Un Voyage européen #95 – Urfa (Turquie)
Des érudits tels que Vishal Mangalwadi ou Tom Holland ont démontré que la tradition légale occidentale est enracinée dans la Bible. Mais comment une loi qui avait été donnée à Moïse dans une région reculée près de la Mer Rouge a pu avoir un tel impact ?
Après la Pentecôte, lorsque les premiers Chrétiens ont commencé à diffuser l’Evangile au-delà des frontières d’Israël, ils ont aussi transmis les Ecritures hébraïques aux peuples qu’ils avaient atteint. Et donc, lorsque les souverains se convertirent au Christianisme, ils apprirent aussi la Torah, y compris les Dix Commandements, ce qui était en fait une sorte de constitution pour la nation d’Israël à l’époque biblique. En conséquence, ils découvrirent que leurs systèmes légaux étaient incompatibles avec les normes de Dieu et commencèrent donc à les réformer.
Dans la ville d’Edesse, aujourd’hui Urfa ou Şanlıurfa en Turquie, il existe un endroit qui porte le témoignage de comment deux souverains ont cherché à rendre les lois de leurs nations plus bibliques. Au pied de la colline du château que nous avions visitée lors d’une étape précédente (étape 92), il y a une mosquée appelée Rizvaniye. Elle est située au bord d’un bassin appelé Balıklıgöl, lequel signifie le bassin d’Abraham. Cette mosquée fut construite au cours du règne ottoman au dix-huitième siècle. Selon une légende, Abraham avait été jeté dans le feu par le roi Nimrod, mais Dieu transforma le feu en un bassin afin de sauver le patriarche. Même si cet endroit est actuellement dédié à l’Islam, c’était jadis le site de ce que fut probablement le premier édifice d’église d’Edesse : une cathédrale construite au deuxième siècle. Et de manière intéressante, les textes antiques mentionnent que cet édifice fut construit selon le modèle du temple de Jérusalem, lequel avait été détruit juste quelques décennies auparavant.
Donc, qui étaient ces deux souverains liés à la cathédrale d’Edesse ?
Le premier est Abgar VIII, aussi appelé Abgar Bar Manu. Il était roi du petit royaume d’Osroé entre 177 et 212, et son palais était sur la colline du château, juste derrière l’endroit où nous nous trouvons. Abgar VIII ne doit pas être confondu avec le roi Abgar V, le premier souverain chrétien à Edesse un siècle auparavant (étape 92). A l’époque d’Abgar VIII, Osroé était devenu un Etat-tampon entre l’Empire romain et le royaume d’Arménie. Et donc, même si Osroé était toujours dirigé par un roi, il fut régulièrement soumis soit par l’Arménie soit par Rome.
Lorsqu’Abgar était roi, Osroé était sous contrôle romain lorsque le Christianisme était illégal dans l’Empire. Cependant, au cours de son règne, Abgar était profondément inquiet de voir son peuple vivre des vies impies, et donc, malgré la position de Rome, il osa réformer les lois de son pays selon les normes bibliques. Par exemple, étant donné que le premier commandement dit : « Tu n’auras pas d’autres dieux », Abgar interdit la pratique de l’automutilation en l’honneur de la fausse déesse Cybèle. Et quiconque oserait continuer ce rite aurait ses mains coupées. De plus, des recherches archéologiques ont révélé que ce fut sous le roi Abgar VIII que les pièces de monnaie n’avaient plus d’effigie de Baal, lequel était à l’époque une divinité païenne amplement adorée.
De telles décisions de réformer un royaume selon les normes bibliques étaient une nouveauté du temps d’Abgar. Mais en l’espace de cent ans après sa mort, aussi bien l’Arménie que Rome avaient adopté le Christianisme en tant que religion officielle, et très rapidement, ils commencèrent à adopter des réformes légales similaires.
Le deuxième souverain lié à cette cathédrale était l’empereur byzantin Justinien I, également appelé Justinien le Grand. En son temps, la cathédrale, dédiée à Saint-Thomas, avait été détruite par une inondation. Justinien reconstruisit alors une nouvelle cathédrale sur ce site et la nomma Sainte-Sophie, tout comme la cathédrale de Constantinople, laquelle fut également construite au cours de son règne.
Justinien n’était pas seulement un constructeur de cathédrales, car comme Abgar VIII, il apporta également des réformes légales importantes à l’Empire byzantin à travers le célèbre Codex Justinianus. Dans son livre This Book Changed Everything (Ce livre a tout changé), Vishal Mangalwadi explique que le code était, en fait, grandement inspiré par la Bible. L’ensemble de lois devint plus tard la fondation du droit canonique qui fut établi dans l’Europe médiévale catholique romaine. Aujourd’hui, même si les législateurs modernes ont peu connaissance des fondations bibliques du droit occidental ou bien le reconnaissent rarement, celui-ci est toujours construit sur ces développements légaux qui étaient enracinés dans la Bible.
Finalement, permettez-moi de partager quelques mots au sujet de l’histoire de cette cathédrale. Aujourd’hui, nous ne visitons en fait pas une cathédrale mais une mosquée. Donc, la question évidente est : Qu’est-il arrivé à l’antique cathédrale d’Edesse ?
Deux siècles après le règne de Justinien I, les Musulmans commencèrent à envahir le territoire. A l’époque, il y avait au moins dix-sept églises à Edesse. Beaucoup d’entre elles étaient construites selon le style architectural byzantin. Au début, les nouveaux souverains musulmans tolérèrent la présence d’églises et de Chrétiens dans la ville. Cependant, au douzième siècle, presque toutes les églises avaient disparu, y compris l’antique cathédrale construite au deuxième siècle. Les pierres des églises furent ensuite réutilisées pour construire des mosquées et des murs défensifs à Edesse, et certaines pierres sont toujours visibles de nos jours.
Donc, même si la voix de l’église n’est plus aussi fortement entendue à Edesse qu’auparavant, comme Jésus le dit : « Si les gens se taisent, les pierres crieront ! »
A la semaine prochaine ailleurs en Europe.
Cédric Placentino
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Photo: Source: Wikipedia – Utilisateur: Bernard Gagnon – Licence: https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/legalcode
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