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‘Dieu existe!’

La dixième d’une série sur la révolution spirituelle derrière la chute du communisme, il y a trente ans : 

La fin du dictateur Nicolae Ceauçescu et de sa femme Elena commença à la fin de 1989 lorsqu’un pasteur réformé et sa congrégation se sont tenus ouvertement contre les abus gouvernementaux des droits de l’homme.

Ceauçescu dirigea la Roumanie pendant 24 ans, de 1965 à 1989. Les premières années virent une libéralisation relative et une attitude d’ouverture envers l’Occident. Cependant, les choses changèrent radicalement en juillet 1971, après que Ceauçescu visita la Chine, la Corée du Nord, le Vietnam du Nord et la Mongolie où il observa personnellement les cultes de la personnalité.

Il revint pour initier une révolution culturelle de nationalisme et d’isolation extrême, aussi bien de l’Occident que des Soviétiques. Les programmes d’endoctrinement furent lancés. Une austérité rigoureuse s’ensuivit. Rapidement, Elena Ceauçescu devint la deuxième personne la plus puissante de la nation. Les standards de vie chutèrent. Le rationnement de nourriture fut mis en place. La télévision ne diffusait que deux heures par jour, principalement des discours du dictateur et des agents du parti. La Securitate, ou la police secrète, supervisait tous les aspects des vies des citoyens, et la critique envers le parti était punie par l’emprisonnement et la torture. Les réunions d’églises étaient illégales. La confiance entre la famille et les amis était presque totalement sabotée.

L’agitation sociale répandue était aggravée par des projets de construction extravagants et prestigieux, tel que la soi-disant Maison du Peuple (le Palais parlementaire actuel où le Forum sur l’état de l’Europe était organisé en mai dernier) pendant que le peuple souffrait face à une grande austérité. Des débuts de protestations à Brasov en 1987, et puis à Cluj-Napoca et Bucarest en 1989, furent violemment réprimées.

Eviction

László Tökés, un pasteur réformé hongrois vivant à Timișoara, avait auparavant critiqué le gouvernement à la télévision hongroise pour affaiblir la foi et la culture hongroise. Le gouvernement l’accusa d’inciter la haine ethnique et ordonna de le déplacer dans un village isolé. Il refusa de s’y rendre. L’électricité de sa maison fut coupée et son carnet de ration confisqué. Les membres de l’église se mobilisèrent pour le soutenir. Certains furent arrêtés et battus ; une personne fut assassinée dans les bois.

Des nouvelles au sujet d’un ordre de la cour de justice pour son éviction avant le 15 décembre se répandirent par le biais d’une retransmission radiophonique en provenance de l’extérieur du pays. Lors du dernier office dominical, Tökés demanda à sa congrégation de venir témoigner de l’éviction. Des membres de l’église commencèrent une veillée à l’extérieur de son appartement, formant une chaîne humaine autour du pâté de maisons et bloquant l’accès aux milices.

16 décembre:La foule s’amplifia avec des croyants baptistes, catholiques et orthodoxes, accompagnés d’étudiants rejoignant la contestation grandissante. Criant : ‘À bas le communisme !’, la foule se déplaça depuis l’appartement de Tökés vers le quartier général du parti communiste.

17 décembre : Lorsque les émeutes et les contestations reprisent, des émeutiers s’introduisirent dans un bâtiment du gouvernement en cherchant à le brûler. La Securitate et la police étaient incapables de contrôler les émeutes, et donc, l’armée fut envoyée avec des voitures blindées, des chars et des hélicoptères. Le chaos s’ensuivit. Environ 100 personnes furent tuées. Des milices repoussèrent des manifestants avec des canons à eau, dont la foule s’empara et jeta dans la rivière.

18 décembre : Des soldats et des agents de la Securitate en civil protégeaient la place principale. La loi martiale fut déclarée. Des groupes de plus de deux personnes étaient interdits. Et pourtant, trente jeunes hommes se rassemblèrent à la cathédrale orthodoxe, agitant un drapeau roumain avec l’emblème communiste découpée. Ils commencèrent à chanter ‘Réveille-toi, Roumain !’, un chant patriotique interdit depuis 1947, et attendirent que les balles soient tirées. Plusieurs furent tués ou grièvement blessés, pendant que d’autres fuirent.

19 décembre : Des travailleurs firent grève par sympathie pour les contestataires.

20 décembre : Des travailleurs se mobilisèrent en masse et rejoignirent d’autres personnes au centre-ville pour former une foule de 100.000 personnes sur ce qui est aujourd’hui la Piața Victoriei,La Place de la Victoire. Ils commencèrent à scander des slogans anti-gouvernementaux.

Démission

Etant donné que Ceaușescu était lui-même en Iran à ce moment là, Elena envoya le Premier ministre et le Secrétaire du Comité central à Timișoara pour y rencontrer une délégation de contestataires, laquelle exigea la démission du dictateur.

Au lieu de cela, les autorités entraînèrent des milliers de travailleurs depuis les usines en dehors de la ville armés avec des matraques et des instructions ‘d’écraser les émeutes des Hongrois et des hooligans’. Réalisant rapidement ce qui se passait, ils rejoignirent les manifestants. L’armée était forcée de battre en retraite. Le même jour, Timișoara était déclarée première ville libre de Roumanie.

En ce moment-là, à Bucarest, à peine revenu d’Iran, Ceauçescu prononça un discours pour condamner l’évolution des événements à Timișoara, revendiquant que les contestataires étaient en collusion avec les puissances étrangères, et fit appel à un gigantesque rassemblement pour le soutenir le jour suivant.

21 décembre : À la moitié de son discours, l’énorme foule rassemblée pour donner l’impression de soutenir Ceauçescu commença à le huer, en direct à la télévision nationale (discours complet ici et ici). Certains scandèrent : ‘Ti-mi-șoa-ra! Ti-mi-șoa-ra!’

Réalisant la situation désespérée, Ceauçescu et sa femme durent s’enfuir en hélicoptère, seulement pour être arrêtés, jugés et exécutés le jour de Noël.

22 décembre : Alors que les nouvelles du renversement du dictateur se répandaient, une foule de 150.000 personnes se rassembla sur la place centrale de Timișoara. Le pasteur baptiste Peter Dugulescu les invita à réciter après lui le Notre Père. Plus tard, il se remémorait de sa surprise face au ‘fort accent religieux après tant d’années d’éducation athée’. S’agenouillant sur le sol gelé, ils récitèrent la prière et crièrent ensemble, ‘Dieu existe ! Dieu existe !’ : un cri spontanément répété toute la journée.

Jeff Fountain

Directeur du Centre Schuman

Pour plus d’articles de Jeff Fountain, consultez www.weeklyword.eu/fr.

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