Ad Fontes: à la découverte d’Erasme
Dans cette vidéo, Jeff Fountain (à Milan en 2016) revisite l’histoire et nous introduit Erasme, une personne clé dans le façonnement de l’Europe d’aujourd’hui. Ceci nous encourage à retourner au coeur de l’Evangile pour affronter les problèmes actuels en Europe.
Nous sommes dans un cinéma 3D prêts à regarder un film, mais que manque-t-il ? Nous n’avons pas de lunettes ! C’est une image du monde dans lequel vous et moi avons grandi: un monde de pauvreté et d’analphabétisme biblique; un monde séculier qui a façonné notre éducation, nos médias et notre politique. Nous avons été dérobés de notre capacité de voir cette 3ème dimension. Nous vivons dans un monde en 3D où nous avons été éduqués à voir en 2D.
Nous avons toute une génération qui a été dérobée de compréhension spirituelle. Nous sommes devenus pauvres et bibliquement analphabète. Et l’Europe dans son ensemble soufre de ce manque de vision. Combien parmi vous ont entendu Loren Cunningham (fondateur de Jeunesse en Mission) parler de pauvreté biblique ? Il a un cœur pour mettre une Bible dans les mains de tout le monde.
En fait en Europe, la plupart des gens peuvent avoir une Bible. Spécialement ceux d’entre nous qui viennent d’églises lisant la Bible en ont probablement plusieurs à la maison. Il est clair que tous les Européens ont besoin de la Bible mais la plupart résistent à celle-ci.
L’Europe est le continent le plus façonné par la Bible et par le rejet de celle-ci aussi. Toute l’histoire de l’Europe avec la Bible est vue comme une relation d’amour-haine.
Même nous, dans l’Eglise, savons comment appliquer la Bible sur plusieurs questions spirituelles (salut, questions d’Eglise, etc.). L’Europe fait face à plusieurs crises aujourd’hui : politique (chute des modérés et montée des extrêmes), financière (empirée avec l’arrivée des réfugiés), religieuse et environnementale. Comment pouvons-nous appliquer la Bible sur ces thèmes dont nous faisons face aujourd’hui ?
Un politicien norvégien a un jour dit à un de nos dirigeants de Jeunesse en Mission : « Pourquoi, vous, les Chrétiens, venez avec des réponses aux questions que nous ne posons pas et pas avec des réponses aux questions que nous posons ? »
Avons-nous réellement des réponses aux questions de l’Europe aujourd’hui ? Ceci requiert un nouveau niveau d’alphabétisme biblique.
Il y a 500 ans, l’Europe souffrait de pauvreté et d’analphabétisme biblique. Il y avait à l’époque un homme à l’époque dont la passion de sa vie avait à voir avec cela. C’était Erasme.
Erasme est né à Rotterdam. Son nom est partout dans cette ville. Beaucoup connaissent le programme d’études Erasmus. Mais peu de personnes savent qui il était.
Erasme était un des plus grands érudits de la Renaissance. Oui, il était un humaniste et critique envers l’Eglise. Un de ses livres les plus célèbres était L’éloge de la folie, une satire contre l’Eglise. Il était un grand défenseur de la tolérance. Et donc de nos jours, il a été recréé ‘à notre image’, c’est-à-dire comme un humaniste tolérant avec toutes les valeurs de personne éduquée.
Mais ce que nous n’entendons pratiquement jamais était sa grande préoccupation pour une relation de cœur avec Jésus et pour une Eglise plus pure. Sa critique de l’Eglise était dans le but d’avoir une Eglise plus pure. Sa plus grande passion était pour l’alphabétisme biblique.
Son opus magnum fut publié le 1er mars 1516. Mardi prochain, nous célébrerons les 500 ans de la publication d’un livre qui allait déclencher la Réforme. Mais je me demande si nous allons même remarquer cette événement. Il était appelé le novum instrumentum, sa traduction de la Bible en grec et en latin.
Il y a 500 ans, la Bible n’était qu’en latin. Ca et là, il y avait des pionniers de traduction de la Bible comme Wyclif. Mais la Renaissance débuta après que les Musulmans conquièrent Constantinople. Et beaucoup de moines durent fuir et emportèrent avec eux beaucoup d’anciens manuscrits grecs. Et donc les érudits d’Occident se sont réveillés à l’existence de ces nombreux documents originaux.
Erasme réalisa qu’il y avait un besoin pour une meilleure traduction du Nouveau Testament. L’Eglise catholique utilisait une Bible vieille de mille ans appelée la Vulgate, dans laquelle il y avait beaucoup d’erreurs. La traduction d’Erasme a eu une énorme influence sur Martin Luther ou sur William Tyndale.
Né à Rotterdam, Erasme étudia à Deventer, et puis s’en alla à Paris, à Oxford, à Cambridge, à Louvain, avant d’aller à Turin où il obtint son doctorat en théologie. Ensuite il passa par Venise, Padoue, Rome et Naples. Finalement il arriva à Fribourg-en-Brisgau, avant de mourir à Bâle. En voyageant comme cela, il semble être devenu le premier Européen et devint un des académiciens les plus importants de son époque. Il était approché par des papes et des empereurs. Il écrivit beaucoup de livres érudits. Il écrivit pour des princes chrétiens, afin de leur enseigner comment être des dirigeants chrétiens. Il écrivit des manuels de disciplines. Mais son plus grand projet était d’avoir un Nouveau Testament dans une traduction correcte.
Le slogan de sa vie était Ad Fontes (retour aux sources). Il réalisait que le problème de la pauvreté biblique était qu’il y avait eu tant de traditions d’église inventées et que le vrai Evangile avait été perdu dans toutes sortes de traditions extra-église. Il disait que nous devions revenir à la source originale de la vie. Il disait : « j’ai compris que notre salut est d’une forme plus pure si nous retournons aux vraies sources ».
Il disait que nous devrions retourner aux sources primaires du Christianisme, particulièrement aux Evangiles et aux lettres des Apôtres. Car en elles, la parole du Dieu céleste respire encore, vit et agit en nous. Voici ce qu’il écrivait dans la préface : je voudrais que même les femmes les plus basses (c’est-à-dire les prostituées) lisent l’Evangile. Et je voudrais qu’elles soient traduites dans toutes les langues. C’était une affirmation hérétique à l’époque. Traduire la Bible en langue vulgaire, « qui sait ce que les masses feront avec ça ». C’était dangereux et cela saperait l’ordre complet de l’Eglise.
« Mais afin qu’elle puisse être lue par tous, qu’en conséquence les fermiers puissent chanter des portions de la Bible derrière leur charrue, le tisserand chantonner quelques parties de celle-ci durant le mouvement de sa navette, le voyageur apaiser la lassitude du voyage avec des histoires de ce genre ! » Voyez-vous la passion de son cœur ?
Il n’a pas traduit toute la Bible lui-même dans les langues vulgaires, comme elles était appelées, mais ceci fut le déclencheur. Ceci donna à Luther la révélation de ce que ce texte disait vraiment. Par exemple : repentez-vous car le Royaume de Dieu est proche. La Vulgate disait : faites pénitence. Erasme comprenait que nous devions nous repentir. Ceci habilita aussi bien Luther que Tyndale à traduire le Nouveau Testament en allemand et en anglais.
Tyndale voulait la Bible « pour les fermiers, les laboureurs, les proxénètes et les prostituées d’Allemagne et d’Angleterre ». C’est pourquoi on dit qu’Erasme a pondu l’œuf que Luther a éclos. Mais ce n’était pas l’oiseau qu’Erasme espérait. Erasme voulait vraiment que le corps de Christ reste uni mais Luther était comme un taureau dans un magasin de céramique.
Il commença à dire toutes sortes de choses désagréables et de dessiner des caricatures sur le pape, mais Erasme était bien plus raffiné et érudit. Il voulait tout essayer pour amener la réconciliation. Luther lui a dit qu’il était un lâche. Et le Pape Adrien lui a dit qu’il devait venir dans son camp. Mais étant donné qu’Erasme n’avait choisi aucun camp, les Catholiques l’accusèrent d’être trop Protestant, tandis que les Protestants l’accusèrent d’être trop Catholique.
L’an prochain, nous commémorerons les 500 ans du début de la Réforme. En fait cette traduction est le début de la Réforme. La Réforme était un temps de récupération de beaucoup de vérités bibliques, mais quelque chose avait aussi été perdu à l’époque et ceci a affecté l’Europe depuis lors, car l’Europe s’était brisée en plusieurs morceaux. Et l’Eglise devint territoriale. Ensuite, toutes sortes de divisions se sont produites dans les Eglises territoriales. Beaucoup d’entre nous viennent d’Eglises libres qui sont des divisions de divisions. Ceci signifie que les gens de tradition évangélique ont des difficultés à voir l’image globale.
Quelqu’un a dit : « les Catholiques voient les forêts, les Protestants voient les arbres » et je dis « les Evangéliques voient les branches ». Les Catholiques étaient conscients de faire partie d’un corps qui était dans toute l’Europe. Mais après la Réforme, Dieu devint Anglais, Ecossais, Hollandais, etc. Et nous retenions Dieu près de notre pays. Et ceci a mené au nationalisme qui a apporté beaucoup de guerres. Et nous, les Evangéliques, avons fait de nos églises locales le centre de notre monde.
Il y a beaucoup de choses qui sont venues de la Réforme. Mais alors que nous nous approchons du 500ème anniversaire de la Réforme, nous devons reconnaître ce que nous avons perdu. Le Symbole des apôtres est confessé par toutes les confessions. Comment se fait-il que le peuple de Dieu a été autant divisé pour se battre les uns contre les autres alors que nous croyons aux mêmes vérités bibliques ? Nous avons ajouté des choses ça et là.
Savez-vous que l’Europe a été divisée entre l’Est et l’Ouest à cause d’une dispute sur le Saint-Esprit. « Est-ce que le Saint-Esprit procède du Père ou du Père et du Fils ? » A cause de cette dispute, les Eglises orientale et occidentale sont mutuellement excommuniées depuis 900 ans et ont façonné l’histoire socio-politique et économique de l’Europe.
La Première guerre mondiale avait débuté sur la ligne de division. La Guerre de Bosnie démarra également sur cette même ligne. Les troupes de l’OTAN et du Pacte de Varsovie étaient face à face sur cette ligne de division. Le vol MH17 fut abattu sur cette même ligne de division (le vol MH17 était l’avion de ligne abattu en Ukraine par un missile russe le 17 juillet 2014).
Les divisions dans le corps de Christ ont façonné l’état de l’Europe. L’Union européenne, l’OTAN et les Nations unies n’ont aucune réponse à apporter. C’est un problème à résoudre pour le Corps de Christ. Nous devons sérieusement penser à cela dans la saison à venir alors que nous réfléchirons sur le 500ème anniversaire de la Réforme.
Remarquez les dates des traductions :
- Allemande (Martin Luther, 1522)
- Anglaise (William Tyndale, 1526)
- Française (Jacques Lefèvre d’Etaples, 1530)
- Néerlandaise (Marnix van Sint-Aldegonde, 1591)
Les deux premières étaient inspirées par Erasme (en fait, les trois dernières avaient toutes été initiées à Anvers, une ville où Erasme ne pouvait pas aller).
À Bruxelles, il y a une maison où Erasme séjourna. Dans le jardin, il y a une sculpture. Il s’agit d’une grande dépression dans la terre, avec un sentier courbé y descendant. Au milieu il y a un tronc d’arbre avec de l’eau jaillissante. Qu’est-ce que vous pensez que cela puisse représenter ? Ad Fontes !
C’était le message de la vie d’Erasme. Et c’est le défi 500 ans plus tard pour le paradoxe de l’Europe : le continent le plus façonné par la Bible et par le rejet de la Bible. Comment encourager les Européens à retourner à la source, à adopter l’alphabétisme biblique ?
Nous devons d’abord nous comprendre nous-mêmes
Je n’ai trouvé aucun musée en Europe racontant cette histoire. Tous les musées de la Bible que je connais parlent de l’histoire de la manière dont la Bible a été mise ensemble. L’an dernier, j’étais à une exposition au Parlement européen sur la Bible. C’était une exposition clé : la première fois qu’il y avait qu’il y avait une reconnaissance officielle de la Bible au Parlement européen. Il y avait une belle tribune expliquant comment la Bible avait été traduite, pourquoi on l’appelait la Parole de Dieu, mais il n’y avait rien (autant que je sache) sur la manière dont la Bible a façonné notre pensée politique, l’émergence de la démocratie, les formes de parlements (par exemple à Westminster), ou même façonné nos langues, notre littérature, notre droit et nos cours de justice. Nous ne nous l’enseignons pas à nous-même. Il n’est pas étonnant que l’Europe soit bibliquement analphabète si nous sommes nous-mêmes bibliquement analphabètes !
Nous ne savons pas comment ouvrir les yeux des gens pour qu’ils reconnaissent que la Bible est leur source. J’ai récemment publié un livre appelé The house of squatters (La maison des squatteurs). Les Européens vivent dans une maison mais nous ne savons pas qui a mis les fondations, qui créa les espaces dans lesquels ils vivent aujourd’hui, d’où viennent les libertés dont ils jouissent. Trop souvent on dit que tout cela vient du siècle des Lumières. L’égalité, la liberté, la fraternité… Comment pouvez-vous avoir la fraternité sans commencer par la paternité ? Comment pouvez-vous avoir l’égalité si nous ne sommes que des accidents de l’évolution, dans un processus où les plus forts survivent ? Où se trouve la compassion dans cette vision du monde ?
Si nous jetons un œil sur les droits de l’homme, il n’y a qu’un seul endroit où nous pouvons parler de la dignité de l’homme : c’est dans les premières pages de la Bible et ça s’appelle imago dei (à l’image de Dieu). Si nous retirons cela, nous n’avons plus de dignité. C’est la base des droits. Je peux passer une semaine pour déballer tous ces domaines, enseigner comment la Bible a influencé ces domaines. Nous devons l’enseigner, l’étudier. Nous devons être capables d’aider d’autres personnes à ouvrir leurs yeux afin de voir que ce livre n’est pas simplement une vieille chose démodée du passé.
Nous devons reconnaître comment la Bible parle dans le domaine politique aujourd’hui, dans les défis dont nous faisons face. Comment penser bibliquement sur l’Union européenne ? Réalisons-nous que l’Union européenne avait été lancée par des hommes spirituels ? Et que leur vision était de voir une communauté de peuples profondément enracinée dans les valeurs chrétiennes ? Robert Schuman est officiellement le père de l’Union européenne. Il était un homme profond de foi et de prière. Il avait dit dès le début : « ce projet doit avoir une âme. Il ne peut pas simplement être un projet économique et technique. »
Avec Konrad Adenauer (chancelier allemand) et Alcide de Gasperi (Premier ministre italien), lorsqu’ils étaient en route vers Paris pour signer le premier traité qui démarra le projet européen, les trois hommes eurent une retraite de prière dans un monastère.
Aujourd’hui ce projet a été détourné ? La question est : qui a détourné ce projet ? Où étions-nous, les Chrétiens ? Dieu merci que les Catholiques étaient là pour défendre les standards bibliques. Mais où étions-nous, les Protestants et les Evangéliques ? Nous étions sur la touche, critiquant et disant : « ah, ce complot romain ! ». « Est-ce que l’Europe deviendra la bête (du livre de l’Apocalypse) ?» me demandent les gens. Et ma réponse est « oui ! », si le peuple de Dieu échoue d’être le sel et la lumière. Être la lumière ! C’est notre tâche aujourd’hui. L’Europe a un avenir. C’est la Bible – AD FONTES.
Les Catholiques, pendant cent ans, ont cherché des applications bibliques pour les problèmes socio-politiques. Lors d’une conférence récente, j’écoutais un homme qui dirige un projet dans les Pays Basques. On a l’habitude d’entendre des mauvaises choses dans les Pays Basques. Mais un prêtre y est allé dans les années 1940 et commença à appliquer les enseignements bibliques sur la manière dont la société devrait fonctionner. La compagnie qu’il avait lancé est désormais la septième plus grande compagnie d’Espagne avec un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros par an, 75.000 travailleurs et en soixante ans, personne n’a jamais été licencié. Les plus grands salaires ne sont pas plus haut que six fois les salaires les plus bas. Personne ne roule en Rolls-Royce là-bas. Les PDG sont heureux de conduire une Ford Fiesta parce qu’il reconnaissent que la Bible est leur force de vie.
Notre devoir
Je voudrais vous inviter à venir au Forum sur l’état de l’Europe (cette année, à Bucarest les 9 et 10 mai 2019). L’objectif est de regarder à l’Europe d’aujourd’hui à la lumière de la vision que j’ai mentionné, de devenir une communauté de peuples profondément enracinée dans les valeurs chrétiennes. Nous avons des Orthodoxes, des Catholiques, des Protestants, des Pentecôtistes, etc. venant de toute l’Europe, de toutes sortes de disciplines afin de traiter ces questions. Nous le faisons chaque année dans la capitale du pays qui a la présidence de l’Union européenne autour du 9 mai. C’était en effet en ce jour de 1950 que Schuman lança sa bombe. Il était le Ministre des affaires étrangères français. Il prononça un discours de trois minutes (plus court que le mien) et posa les fondations pour la maison européenne dans laquelle vivent un demi-milliard d’Européens de 28 nations ensemble dans la paix. C’est l’anniversaire officiel de l’Union européenne mais c’est un des secrets les mieux gardés d’Europe.
Nous, Chrétiens, devons connaître notre héritage spirituel en Europe. Parce que Dieu est concerné sur la manière dont les nations doivent vivre ensemble en Europe. Et il n’y a pas de réponse dans le choix du le nationalisme. Personne n’a jamais reçu son identité en nous repliant sur nous-mêmes. Ce n’était que dans des relations saines avec nos parents, avec nos frères et sœurs, avec notre famille plus large, avec nos amis que nous avons grandi dans notre identité.
Je voudrais vous encourager à participer au Masterclass durant la première semaine du mois d’août (celui de l’année 2019 sera bientôt annoncé), où, avec mon collègue professeur, enseignons comment l’Evangile a façonné l’Europe. Je souhaite que ces cours puissent être disponibles dans toute l’Europe mais ils ne le sont pas. Nous devons rompre avec notre analphabétisme biblique.
Je vous encourage à consulter nos ressources du Centre Schuman qui pourront vous aider.
Pour terminer, je vous invite à vous tourner vers votre voisin, prier avec lui (elle) et à répondre à ce que Dieu voudrait vous dire ce soir.
Jeff Fountain
Directeur Schuman Centre
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