Un voyage européen #6 – Barda (Azerbaïdjan)
Perdre son nom
La semaine dernière, nous étions à Andorre pour y découvrir que le choix de deux noms – Europe et Andorre – a été influencé (directement ou indirectement) par l’Evangile. J’ai aussi dit que le Christianisme avait insufflé la vie dans toutes les sphères de la société européenne durant plusieurs siècles.
Et j’avais terminé avec la question suivante : Alors que l’Europe s’éloigne de ses fondations depuis plus de deux siècles, quelles conséquences cela apportera? L’Europe peut-elle garder son identité ? Peut-elle préserver tous les fruits que l’Evangile a apporté dans chaque sphère de la vie ?
En fait la région que nous allons visiter aujourd’hui peut nous donner une indication.
Et donc aujourd’hui, nous effectuons 5.000 km et retournons dans le Caucase. Plus précisément, nous allons à 200 km à l’est de Sighnaghi, où nous étions lors de la 3ème étape, dans une ville d’Azerbaïdjan appelée Barda.
Ici la région est plus plate que les nations environnantes du Caucase. L’énorme arcade à l’entrée de la ville et les mosquées semblent nous dire que l’islam est la religion dominante ici. Cependant, l’histoire nous révèle autre chose.
On sait que la Géorgie et l’Arménie faisaient partie des premières nations européennes à se tourner vers l’Evangile. Ce que l’on sait moins cependant, est que la nation que nous appelons aujourd’hui l’Azerbaïdjan avait aussi adopté le Christianisme durant la même période.
A l’époque, le territoire était appelé Albanie (à ne pas confondre avec l’Albanie moderne). Pour éviter les confusions, les historiens l’appellent aujourd’hui L’Albanie du Caucase. Cependant, par souci de simplicité, je l’appellerai simplement Albanie. Les Albanais parlait une langue appelée oudi. Et la ville dans laquelle nous sommes aujourd’hui était appelée Partav.
Lorsque le royaume d’Arménie adopta le Christianisme, le roi Urnayr d’Albanie se rendit en Arménie afin de prendre son baptême. La conversion du roi ouvrit les portes à l’Evangile. Finalement la nation devint officiellement chrétienne. Le siège central de l’Eglise d’Albanie devint Partav.
Cette conversion était significative parce que la Bible avait aussi été traduite en oudi. Et ceci donna à la langue un alphabet écrit.
Pourquoi dès lors appelons-nous le pays que nous visitons aujourd’hui Azerbaïdjan et non Albanie ?
Pour comprendre ce qui s’est produit, nous devons retourner aux temps des Conciles de l’Eglise primitive. Alors que la plupart de ceux-ci réussirent à rejeter des hérésies qui s’étaient répandues dans l’Eglise, d’autres ont eu des résultats plus douloureux. Ce fut notamment le cas du Concile de Chalcédoine (Turquie actuelle) en 451. La question discutée était sur la manière dont la nature divine et la nature humaine de Christ cohabitaient en lui. Mais en réalité, le vrai problème était une lutte de pouvoir entre des personnages importants de l’église de l’époque.
Comme l’histoire le témoigne malheureusement, cette lutte de pouvoir se termina par une division. L’Eglise occidentale signa la Confession de Chalcédoine ; par contre l’église orientale la rejeta, bien que les deux avaient signé auparavant le Symbole de Nicée. Et comme pour d’autres divisions, celle-ci a aussi eu d’énormes conséquences politiques et sociétales.
Encore une fois, cette division ne doit pas être confondue avec la plus célèbre division survenue au sein de l’église occidentale quelques siècles plus tard, cette fois formant deux nouveaux camps : les Orthodoxes et les Catholiques.
Les nations caucasiennes firent directement l’expérience des conséquences. L’Eglise de Géorgie s’aligna avec l’Occident en signant la Confession. Par contre, les Eglises d’Arménie et d’Albanie refusèrent de la signer.
Et comme si ce n’était pas assez, des luttes internes entre les églises d’Arménie et d’Albanie affaiblirent encore plus l’église et la région. Ensuite, au 7ème siècle, le Catholicos d’Albanie, Nerses Bakur, chercha à signer la confession. Evidemment ceci endommagea encore plus la relation entre l’Albanie et l’Arménie.
Au même moment l’Islam faisait son apparition. Et alors que les Musulmans répandaient leur domination, ils s’approchèrent des pays du Caucase. L’Eglise d’Arménie semble, dans un premier temps, avoir vu d’un bon œil leur arrivée comme une opportunité de régler le problème avec Nerses Bakur. Et donc, avec leur aide, il fut assassiné dans cette ville.
Ce que l’Eglise arménienne ne s’attendait sans doute pas était que ceci allait mener à la chute de toute l’église d’Albanie. Alors que le Christianisme n’avait pas de profondes racines dans le pays, l’Albanie devint rapidement presque totalement islamisée.
En conséquence, les Albanais avaient perdu leur langue oudi au 11ème siècle. Et ceux qui s’étaient convertis à l’Islam furent assimilés à d’autres tribus musulmanes comme les Turcs d’Azerbaïdjan.
Aujourd’hui, ce que nous appelons Barda est un exemple des dégâts que les divisions dans l’église peuvent occasionner. Tout au long de l’histoire, le Caucase a ressenti fortement les conséquences de la division de Chalcédoine. Le dernier exemple en date est celui de la guerre du Haut-Karabagh à la fin du 20ème siècle, un conflit distant d’à peine quelques kms de Barda et qui attend toujours une résolution.
Cette histoire peut servir d’avertissement pour le continent européen. Les efforts séculier de déraciner le Christianisme et la sensation de passivité dans l’Eglise européenne peuvent aboutir à une perte similaire.
Mais il n’est jamais trop tard pour se réveiller !
A la semaine prochaine ailleurs en Europe.
Cédric Placentino
Responsable Centre Schuman pour l’Europe italienne et française
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