Temps et histoire
Durant le mois de juillet, le Centre Schuman republie le projet de livre-cadeau illustré de Jeff Fountain visant à promouvoir la conscience de la centralité de l’influence de ce livre sur notre style de vie et de pensée occidentale.
Dans le développement du concept occidental du temps, des horloges et des calendriers inventés pour mesurer sa progression, la Bible a joué un rôle primordial.
Les premiers mots du livre de la Genèse, « Au commencement… », introduisaient une vision linéaire du temps, radicalement différente des cycles et des réincarnations sans fin des civilisations anciennes.
La Bible parle du ‘Jour du Seigneur’ et de la fin des temps. Temps et histoire ont à la fois un début et une fin. La Bible est le seul livre sacré qui prenne l’histoire au sérieux. L’histoire biblique est enracinée dans le temps et l’espace. L’histoire a de l’importance. Les fêtes juives commémoraient les événements passés. Soit la naissance, la mort et la résurrection de Jésus se sont soit produites, et la foi chrétienne est vraie, soit elles ne sont pas arrivées et tout est simplement un mythe.
L’Ancien Testament commence par des livres historiques, se termine par des livres prophétiques offrant des perspectives d’avenir, et entre eux se trouvent des livres de sagesse sur la vie dans le présent. Passé, présent, futur. Le Nouveau Testament a une structure similaire. Il commence par des livres historiques, se termine avec un livre prophétique, et contient des lettres avec des instructions pour vivre dans le présent, à la lumière du passé de Dieu et de son futur.
Selon le théologien suisse, Emil Brunner, cette conception linéaire donnait naissance au concept d’espoir : « le christianisme a appris au monde à espérer, c’est-à-dire à vivre dans le présent à la lumière de l’avenir ».
La perception séculière linéaire du temps, excluant un Dieu souverain de l’histoire, était une progéniture illégitime du concept biblique et étayait le mythe du progrès dominant dans la société occidentale jusqu’à ces dernières années.
Au cours des millénaires, de nombreuses civilisations ont tenté de comprendre et de mesurer le temps : Egyptiens, Babyloniens, Assyriens, Romains, Chinois, Mayas, Juifs et Musulmans. Les années ont souvent été mesurées en termes de règne des rois et des empereurs: par exemple La quinzième année du règne de Tibère César…(Luc 3:1).
Notre calendrier occidental, maintenant utilisé dans le monde entier, est devenu indispensable pour la coordination de la majorité de la population mondiale prenant des trains et des avions, participant à des réunions et à des rendez-vous, conduisant et récupérant des enfants à l’école et organisant de nombreuses autres activités quotidiennes.
Ce calendrier a évolué au cours d’un long processus, commençant par le calendrier romain. Jules César réforma un ancien calendrier lunaire romain prétendument créé par Romulus, le premier roi de Rome, en 735 av. J.C. – l’an 1 du calendrier romain. César bascula le système romain sur une base solaire, après avoir appris le calendrier égyptien au cours de sa liaison avec Cléopâtre.
Constantin considérait le Christianisme comme un moyen pour unifier son empire répandu et implémenta trois changements majeurs au calendrier de César. Le dimanche, le jour de la résurrection de Christ, devint le premier jour d’une semaine de sept jours, reflétant l’histoire de la création de la Genèse. En second lieu, il introduisit les jours de fêtes chrétiennes dans le calendrier, comme Noël, avec une date fixe. Et troisièmement, il établit Pâques comme fête annuelle, le premier dimanche après la première pleine lune suivant l’équinoxe (lorsque le jour et la nuit sont de durée égale). Ceci variait d’une année à l’autre.
Comme personne n’avait encore découvert la durée exacte de l’année, ce calendrier s’est avéré inexact et a semé beaucoup de confusion. Plusieurs moines érudits continuèrent à améliorer le calendrier, souvent en contradiction avec leurs supérieurs qui désapprouvaient une telle tentative ‘non-spirituelle’.
Denys le Petit, un abbé de Rome, introduisit le concept d’anno Domini*, ‘afin de mieux faire connaître le fondement de notre espoir’. Son calcul, peut-être erroné de quatre ans, est toujours la datation que nous utilisons aujourd’hui.
Benoît conçut des règles monastiques qui allaient être utilisées de manière universelle. Des prières devaient être dites aux troisième, sixième et neuvième heures. Ayant besoin de moyens pour mesurer les heures et les annoncer, il déploya des horloges hydrauliques, des cadrans solaires et une horloge à feu. Finalement, les horloges mécaniques furent inventées et, au 13ème siècle, réglèrent largement les prières monastiques.
La cloche, inventée à l’époque de Charlemagne, transforma aussi la vie dans l’ensemble de la Chrétienté. Appelée clocca en latin médiéval, la cloche fut mise en place aussi bien dans l’église que dans le monastère. Le style de vie, aussi bien des citadins que des ruraux, était réglementé par des cloches pour la prière ou la liturgie.
Les jours des saints commencèrent à remplir le calendrier de la société, certains revêtant un sens nationaliste ou séculier: par exemple le jour de la Saint-Patrick pour les Irlandais du monde entier; et Saint-Nicolas qui s’est finalement transformé en Père Noël. Qu’on le reconnaisse ou non aujourd’hui, l’influence de la Bible se retrouve dans notre utilisation des calendriers, des horloges, des cloches et des festivités.
La Bible parle également du temps non mesuré en jours et en années (le temps kronos), mais plutôt en fonction de la maturité ou de la plénitude (le temps kairos): par exemple « lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils » (Galates 4:4). Elle parle aussi de ce qu’Augustin a appelé ‘le temps sacré’, l’éternité. Alors que beaucoup ont essayé de calculer la fin des temps, à partir de la Bible, le conseil d’Augustin était que c’était seulement à Dieu de le savoir.
* Anno Domini (A.D.) signifie l’année du Seigneur. En anglais, l’abréviation A.D. correspond à l’abréviation française ap. J.-C..
Jeff Fountain
Directeur du Centre Schuman
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