Réconcilier une planète blessée au cœur d’une pandémie
De Vista Magazine édition 36
J’écris ceci alors que je regarde mon jardin. Je peux entendre les oiseaux chanter bruyamment et le silence dû au manque de bruit de la circulation est frappant.
Lorsque je me tiens dehors et regarde vers le ciel, celui-ci est d’un bleu limpide sans traînée d’avion. Le canal où je vais marcher chaque jour n’a jamais été aussi clair, car aucun bateau ne l’utilise en remuant la boue. En marchant avec ma fille l’autre jour, nous nous tenions au milieu de ce qui est habituellement une route très fréquentée, avec aucune voiture, et je disais : « Reste immobile pendant un moment et apprécie ceci. Tu n’en feras peut-être plus jamais l’expérience. »
Nous traversons des chocs profonds : socialement, politiquement, économiquement… et l’impact de ceux-ci durera pendant de nombreuses années. Avec le côté positif que nous expérimentons, nous faisons aussi face à la peur, au deuil et à la souffrance. Nous faisons face à des défis immenses dans nos maisons, dans nos églises et sur nos lieux de travail. Comment le thème de la réconciliation contribue-t-il aux temps actuels, en particulier par rapport à notre relation avec le monde naturel en général ?
Permettez-moi de commencer avec les fondamentaux : Dieu créa un monde qu’il déclara être très bon, un monde dans lequel les personnes et l’ordre naturel général existent harmonieusement dans la présence de Dieu. La relation avec Dieu, avec les autres, avec nous-mêmes et avec le reste de la création est central aux objectifs d’amour de Dieu. Mais ces relations ont rapidement mal tourné, et la Bible raconte alors l’histoire de la manière dont Dieu œuvre pour les restaurer et pour les rétablir : un plan qui, de manière ultime, trouve son accomplissement en Jésus-Christ.
« Ceci est un monde d’émerveillement et de beauté ; un monde que Dieu a créé foisonnant de vie, plein de diversité et d’abondance et de couleur. »
L’Evangile, littéralement ‘la bonne nouvelle’, est donc un Evangile de réconciliation. A travers Jésus, nous sommes réconciliés avec Dieu, avec le monde naturel, avec d’autres personnes et avec nous-mêmes. Ceci signifie qu’un Evangile qui n’inclue pas notre relation avec toute la création n’est pas le plein Evangile. Il est si tragique que nous ayons été satisfait avec un tel Evangile décharné ![1]
Durant la pandémie, j’ai réfléchi à la manière dont nous vivons dans un monde merveilleux mais blessé. Comme nous l’avons vu au début, beaucoup d’entre nous ont redécouvert un monde merveilleux dans lequel nous vivons. Pour ceux d’entre nous qui sont suffisamment fortunés d’avoir des jardins ou qui vivent dans des pays où le confinement nous permet des marches quotidiennes, nous en sommes arrivés à apprécier plus que jamais de sortir. Donc, beaucoup de personnes ont été reconnectées avec le monde naturel en général d’une manière qu’ils n’avaient pas connu depuis des années et ont juste réalisé à quel point il était nourrissant et bon pour notre bien-être de passer du temps dehors.
Ceci est un monde d’émerveillement et de beauté ; un monde que Dieu a créé foisonnant de vie, plein de diversité et d’abondance et de couleur. Et quels voisins avec qui nous partageons ce monde : le mélange le plus incroyable et superbe de créatures bizarres, drôles, effrayantes, câlines, écailleuses, étranges, petites et énormes que nous pouvions imaginer ![2]
Et pourtant, nous vivons en même temps dans un monde qui est sérieusement blessé, face à quoi certains responsables d’églises disent : « Je veux affirmer que le Covid-19 n’est pas un jugement de Dieu : il ne l’a pas causé ou voulu dans notre être. » Bien que la Bible indique qu’il peut y avoir des temps lorsque la maladie de quelqu’un est le résultat du péché personnel, il n’existe pas de garantie biblique liant automatiquement si et quand des personnes tombent malade avec leur péché. Nous devons donc être très prudents avant de prononcer quelque chose comme étant le jugement de Dieu.
Ayant dit ceci, comme nous l’avons vu, la Bible est malgré tout claire que Dieu, les personnes et le monde naturel au sens large sont profondément interconnectés. Si un aspect de cet ensemble de relations est brisé, tout sera alors affecté. Bien que cela soit difficile à entendre, l’épidémie du Covid-19 n’est pas un ‘désastre naturel’. Au contraire, c’est un désastre que nous avons provoqué. Des virus passent d’une espèce à l’autre et entrent dans les humains, et les destructions environnementales rendent cela plus possible, et à une fréquence plus élevée, étant donné que les gens sont amenés au contact plus rapprochés d’animaux portant le virus.
La déforestation, l’exploitation minière, le commerce de viande de brousse, le trafic d’espèces animales et les pratiques agricoles non-durables sont tous des facteurs probables en jeu. Il est tentant de voir cette pandémie et la dégradation du climat comme ayant leurs origines ailleurs, de culpabiliser des personnes, des gouvernements et des organisations en d’autres endroits du monde. Mais, l’Europe n’est certainement pas une spectatrice innocente.
En 2008, la Commission européenne s’engagea à enrayer la déforestation. Cependant, en 2019, il était reconnu que ces objectifs seront peu probablement rencontrés avec les trajectoires actuelles.[3]Bien que les plantations de reforestation de l’Europe explosent, les pratiques du consommateur européen stimulent toujours la déforestation mondiale, en important près d’un quart des produits qui ont été cultivés sur des terres illégalement déboisées dans le monde entier.[4]
Une étude de 2010 révélait que des quantités inquiétantes de viande de brousse était importées illégalement d’Afrique vers l’Europe, posant des risques sanitaires significatifs aux personnes et au bétail.[5]
En outre, le virus s’est répandu si rapidement à cause de notre dépendance aux vols. Nous savons depuis des décennies à quel point les vols sont nuisibles à l’environnement, et pourtant nous avons constamment augmenté nos vols à l’intérieur, depuis et vers l’Europe, équivalent à plus d’un milliard de vols de passagers en 2008.[6]
Le désespoir de la pauvreté et l’avidité de la richesse renforcent un système mondial qui est fondamentalement opposéà l’intention initiale de Dieu de shalom entre toutes choses, et la pandémie actuelle en est une conséquence terrible. Et bien sûr, pendant que nous nous focalisons sur le Covid-19, les désastres de dérèglement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution plastique continuent encore et nous devons toujours affronter ces problèmes de manière urgente.
« Le désespoir de la pauvreté et l’avidité de la richesse renforcent un système mondial qui est fondamentalement opposé avec l’intention d’origine de Dieu de shalom »
Par conséquent, comment apportons-nous un Evangile de réconciliation dans cette situation ? Une réponse à ceci se trouve en regardant à ce que cela signifie pour nous d’être créés ‘à l’image de Dieu’ (Gen. 1:26-28). Cette description place l’humain dans une relation particulière avec Dieu et regarde dans deux directions.
Premièrement, elle regarde dans la direction de notre relation envers d’autres et parle de l’égalité absolue entre les personnes. Toute personne a été faite à l’image de Dieu. Cette égalité absolue signifie que la pauvreté est une abomination absolue. Les défis du Covid-19 sont là. Celui-ci expose les inégalités frappantes de notre monde alors que le virus fait des ravagesprincipalement chez ceux pour qui le confinement signifie pas d’argent, pas de nourriture et pas d’accès aux rudiments commel’eau propre et le savon, sans parler d’un jardin ou d’un parc.
La réconciliation avec d’autres comprend répondre aux besoins des prochains, aussi bien proches que lointains. En Europe, une personne sur cinq vit dans des ménages à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, et la recherche indique que cela les rend particulièrement vulnérable au virus, tout autant que de vivre dans des endroits ayant une pollution atmosphérique élevée.[7]Les personnes dans les camps de réfugiés en Europe sont particulièrement vulnérables durant cette pandémie.[8]
La réconciliation avec d’autres signifie répondre aux besoins de nos communautés immédiates et de notre nation, mais aussi regarder à nos prochains dans le monde et aux besoins de ceux vivant dans des pays qui n’ont pas de protection financière ou d’équipement sanitaire comme nous.
Deuxièmement, être créé à l’image de Dieu regarde dans la direction de toute la création. Comme une image dans un temple, nous sommes les représentants de Dieu, créés pour servir et pour prendre soin du reste de ce qu’il a fait. Covid-19 nous force à reconnaître à quel point nous sommes loin de bien le faire, mais il nous offre aussi une opportunité unique de changement. Alors que nous émergeons du confinement et stimulons nos économies, le ferons-nous d’une manière qui ne nous ramènera pas aux niveaux de pollution pré-pandémie ? Mettrons-nous la priorité sur la lutte contre la déforestation et l’agriculture non-durable ?[9]Pousserons-nous nos gouvernements à faire en sorte que la récupération économique se produise dans les paramètres restant en-deçà d’une augmentation de 1,5°C ? Il est encourageant de voir qu’Amsterdam décide de reconstruire son activité économique d’une manière qui rencontre les besoins de base de tous, mais selon les moyens de la planète, et que l’aide de l’Etat donnée à Air France doit venir avec de fortes conditions climatiques.[10]
Chez Tearfund, nous travaillons dur sur le terrain avec nos partenaires dans beaucoup de pays du monde entier, répondant aux besoins urgents de la pandémie. Nous regardons à ces problèmes systémiques sous-jacents et stimulons une conversations avec les églises pour demander : « Que faudra-t-il afin que nous reconstruisions mieux ? »(voir https://www.tearfund.org/about_you/action/the_world_rebooted/pour plus d’information)
En tant que Chrétiens et églises, nous peuvons avoir un rôle central en faisant appel à, et en œuvrant vers un monde sans énormes différences entre riches et pauvres, un monde qui nous permet de vivre en harmonie avec toute la création. Nous savons que nous ne le verrons pas pleinement avant que Christ revienne sur cette terre et qu’il demeure parmi nous, dans la transformation de toutes choses (Ap. 21 et 22). Cependant nous sommes des personnes orientées vers l’avenir et nous pouvons laisser cet espoir nous motiver maintenant, dans la manière dont nous vivons, agissons, prions et parlons.
Canon Ruth Valerio, Directrice de promotion et d’influence mondiale pour Tearfund
[1]Pour la référence biblique complète et pour examiner plus ceci, voir R. Valerio, Just Living: Faith and community in an age of consumerism (Hodder & Stoughton, 2016, p17-24). Pour plus sur ce thème, et pour une exploration de Genèse 1 et de comment nous relatons avec les thèmes des Jours de la Création aux questions d’aujourd’hui, voir, R. Valerio, Saying Yes to Life (originally the Archbishop of Canterbury’s 2020 Lent Book).
[2]Pour en savoir bien plus à ce sujet, pour une exploration de Genèse 1 et pour la manière dont nous pouvons aborder les thèmes des Jours de la Création aux problèmes d’aujourd’hui, voir, R. Valerio, Saying Yes to Life (originally the Archbishop of Canterbury’s 2020 Lent Book).
[3]Voir ‘Communication From The Commission To The European Parliament, The Council, The European Economic And Social Committee And The Committee Of The Regions; Stepping up EU Action to Protect and Restore the World’s Forests’ https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?qid=1565272554103&uri=CELEX:52019DC0352
[4]https://www.theguardian.com/environment/2017/jun/30/europes-contribution-to-deforestation-set-to-rise-despite-pledge-to-halt-it
[5]https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2010.00121.x
[6]https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/10265946/7-06122019-AP-EN.PDF/8f2c9d16-c1c4-0e1f-7a66-47ce411faef7
[7]https://www.eurofoodbank.org/en/poverty-in-europe; https://www.newsmax.com/health/health-news/hardest-hit-communities-lower-income-elderly-cdc-death-records/2020/04/01/id/960944/; https://www.sciencedaily.com/releases/2020/04/200406100824.htm.
[8]https://www.euractiv.com/section/justice-home-affairs/news/refugees-left-behind-in-coronavirus-crisis-aid-groups-warn
[9]En relation à la pandémie actuelle, affronter les marchés ‘humides’ (marchés d’animaux vivants) non règlementés est également crucial
[10]https://www.theguardian.com/world/2020/apr/08/amsterdam-doughnut-model-mend-post-coronavirus-economy; https://www.businesstraveller.com/business-travel/2020/04/30/air-france-told-not-to-compete-with-the-tgv/.
Cet article comporte 0 commentaires